Filtre ND en photographie : à quoi sert-il, comment le choisir ?
Que vous soyez photographe débutant ou expert en pose longue, les filtres ND sont des outils essentiels pour maîtriser la lumière, lisser les mouvements et sublimer vos paysages. Voici un guide pratique, illustré et accessible pour tout comprendre.
Un filtre ND (Neutral Density) est un accessoire photographique qui réduit la quantité de lumière atteignant la surface sensible — capteur numérique ou film argentique — sans modifier les couleurs. Il permet ainsi d’allonger le temps de pose ou de photographier à grande ouverture même en pleine lumière.
Sommaire
- Principe de fonctionnement
- Tableau de correspondance
- Types de filtres ND
- Les filtres dégradés (GND)
- Pourquoi utiliser un filtre ND ?
- Qualité des filtres ND
- Les filtres que j’utilise
- Précautions d’usage
- Comment utiliser un filtre ND ?
- Comment recréer un effet de pose longue sans trépied ?
- Exemples de pose longue
Principe de fonctionnement
Le principe est simple : le filtre ND agit comme une paire de lunettes de soleil neutres pour votre objectif. Il réduit la quantité de lumière qui entre dans l’appareil photo, sans modifier les couleurs ni la teinte générale. Cela permet de prolonger le temps de pose ou d’utiliser une grande ouverture dans des conditions de forte luminosité.
Chaque filtre ND est associé à une densité, exprimée sous forme de NDx (ND4, ND64, ND32000…) ou en nombre de valeurs d’exposition (IL/EV). Une valeur d’exposition (ou IL, pour Indice de Lumination) correspond à un f-stop, soit un doublement ou une division par deux de la lumière, comme entre f/8 et f/11, ou entre 1/60s et 1/125s.
Tableau de correspondance des filtres ND
| Valeur ND | Réduction | Nombre d’IL (EV) |
|---|---|---|
| ND2 | 1/2 de lumière | -1 IL |
| ND4 | 1/4 de lumière | -2 IL |
| ND8 | 1/8 de lumière | -3 IL |
| ND16 | 1/16 de lumière | -4 IL |
| ND32 | 1/32 de lumière | -5 IL |
| ND64 | 1/64 de lumière | -6 IL |
| ND128 | 1/128 de lumière | -7 IL |
| ND256 | 1/256 de lumière | -8 IL |
| ND512 | 1/512 de lumière | -9 IL |
| ND1000 | 1/1000 de lumière | -10 IL |
| ND32000 | 1/32000 de lumière | -15 IL |
Les différents types de filtres ND
On distingue principalement trois catégories de filtres ND :
- Filtres à visser : les plus courants, ils se fixent sur le filetage de l’objectif (diamètre 77 mm, 82 mm, etc.).
- Filtres magnétiques : rapides à fixer, ils s’appuient sur un adaptateur aimanté pour faciliter le changement de densité.
- Filtres plats (rectangulaires ou carrés) : à insérer dans un porte-filtre. Ils sont souvent utilisés en photographie de paysage, notamment en combinaison avec des filtres dégradés.
Les filtres dégradés (GND)
Les filtres GND (Graduated Neutral Density) permettent de compenser un écart de luminosité entre un ciel très clair et un premier plan plus sombre. Ils sont utiles au lever ou au coucher du soleil.
On distingue plusieurs types :
- Dégradé progressif : pour les horizons dégagés.
- Dégradé dur : pour des transitions nettes (chaînes de montagnes).
- Dégradé inversé : densité maximale au centre, adapté aux couchers de soleil avec un soleil rasant.
Les modèles vissants ont le dégradé figé au centre, ce qui limite les angles et les cadrages. À l’inverse, les filtres plats (en lame) dans un porte-filtre permettent de régler librement la hauteur du dégradé et son orientation.
Mais est-ce toujours nécessaire ? Avec un appareil moderne et un fichier RAW bien exposé, la dynamique du capteur suffit souvent à compenser l’écart de luminosité. Il est possible d’appliquer un masque adaptatif dans Lightroom (ou autre logiciel) pour assombrir uniquement le ciel. C’est une bonne alternative si vous manquez de place dans votre sac photo ou si vous voulez voyager léger : les filtres plats et leur porte-filtre sont encombrants et souvent coûteux.
Pourquoi utiliser un filtre ND ?
Un filtre ND est indispensable pour :
- Allonger le temps de pose en plein jour sans surexposer l’image, notamment en paysage.
- Flouter l’eau ou les nuages pour un rendu éthéré et poétique.
- Conserver une grande ouverture (ex. f/2.8) pour un joli bokeh même en lumière forte.
Qualité des filtres ND : attention aux compromis
Selon la marque et le prix, les filtres ND ne se valent pas tous. Les modèles d’entrée de gamme, souvent vendus à moins de 30 €, peuvent présenter des défauts de fabrication : manque de planéité du verre ou de l’acrylique (comme les anciens filtres Cokin), verre de qualité insuffisante, ou traitements optiques dégradés. Ces imperfections peuvent altérer la netteté de vos images, introduire des reflets internes ou dégrader le piqué, annulant ainsi les bénéfices d’un objectif haut de gamme.
Un autre problème fréquent est l’introduction d’une dominante colorée sur vos images (bleutée, magenta, verte, etc.). Si vous photographiez en RAW, cette dérive peut être corrigée en ajustant la balance des blancs ou en jouant avec les outils de correction colorimétrique comme le Color Grading dans Lightroom. Néanmoins, mieux vaut éviter d’introduire ces corrections en postproduction lorsque ce n’est pas nécessaire.
De nombreux sites proposent des tests comparatifs de filtres, analysant leur impact optique et colorimétrique. Toutefois :
- Ce n’est pas l’objet de cet article — je n’en publierai donc pas ici.
- Ces tests ne sont pas toujours exhaustifs, ni représentatifs de toute la gamme d’un fabricant. Un filtre d’une série peut être excellent, un autre très moyen.
- La multiplication des références chez certains fabricants (comme Hoya) rend les comparaisons difficiles, même pour les photographes avertis.
- Certains tests sont orientés : l’article peut être sponsorisé, ou le photographe avoir reçu le filtre gratuitement sans le mentionner clairement.
Certains fabricants proposent des traitements antistatiques intéressants. J’avais ainsi commandé un filtre Hoya ND64, que j’utilise rarement mais qui me permettait de photographier à 2 minutes de pose en fin de journée. Mon ND32000 allongeait trop le temps d’exposition dans ces conditions, et sans filtre, même à f/22, je ne parvenais pas à dépasser quelques secondes. Malheureusement, dès l’ouverture de la boîte, le filtre était couvert de poussières, et les fibres des kits de nettoyage adhéraient au verre de manière irréversible. Je l’ai retourné immédiatement et opté pour un modèle d’une gamme supérieure, plus proprement traité.
Les filtres que j’utilise
J’utilise principalement des filtres circulaires au diamètre 82 mm, que je monte également sur mes objectifs en 77 mm grâce à des bagues réductrices 82–77 mm. Pour éviter le vignettage au grand-angle, je privilégie toujours des filtres à monture fine (slim), compatibles notamment avec mon objectif Nikkor Z 14–30 mm f/4.
J’ai longtemps utilisé un filtre Hoya ND1000 en diamètre 77 mm. En conditions de forte luminosité, il ne me permettait pas d’atteindre des poses supérieures à 60 secondes. Je l’ai finalement revendu pour le remplacer par un filtre Nisi IR ND32000, qui ne présente aucune dérive colorimétrique perceptible.
Pour les fins de journée, lorsque la lumière est encore trop forte pour se passer de filtre, mais trop faible pour utiliser un ND32000 (−15 IL) sans atteindre des poses excessivement longues, j’utilise un ND64, bien plus adapté à ces conditions intermédiaires.
Précautions d’usage
- Avec un reflex numérique ou argentique : masquer l’œilleton du viseur (avec le cache intégré ou un tissu noir), sinon la lumière peut entrer et provoquer une tache claire ou un voile au centre de l’image.
- Avec un hybride : désactiver la stabilisation capteur (IBIS) lorsque l’appareil est posé sur trépied pour éviter les micro-mouvements artificiels.
- Basculez en mise au point manuelle ou désactivez l’autofocus pour éviter des changements pendant la pose.
- Nettoyer soigneusement la lentille frontale et le filtre avant toute pose longue : une poussière invisible à l’œil nu pourra apparaître clairement sur un ciel ou une eau lissée par le mouvement.
- Utiliser un trépied stable et un déclencheur à distance (ou le retardateur) pour éviter tout flou de bougé.
Comment utiliser un filtre ND ?
Utiliser un filtre ND demande un peu de méthode, surtout pour des poses longues de plusieurs secondes ou minutes. Voici les étapes à suivre pour obtenir une exposition correcte :
- Mesurez l’exposition sans le filtre : définissez le cadrage, la sensibilité ISO, et mesurez l’exposition avec les paramètres de vitesse et d’ouverture souhaités, sans le filtre ND.
- Appliquez le facteur de correction du filtre : chaque filtre ND correspond à un certain nombre d’IL (voir le tableau plus haut). Il convient de recalculer la vitesse en fonction de la densité. Par exemple, un filtre ND1000 (−10 IL) transforme une vitesse de 1/30 s en une pose de 30 secondes.
- Utilisez une application dédiée : pour éviter les erreurs de calcul, des applications comme PhotoPills (disponible sur iOS et Android) permettent de renseigner les paramètres initiaux (ISO, ouverture, vitesse) et de sélectionner le filtre ND utilisé. L’application vous indique alors la vitesse corrigée.
- Vérifiez la stabilité de votre trépied : une pose longue nécessite une stabilité parfaite. Évitez les surfaces instables, suspendez un poids au centre du trépied si besoin, et déclenchez à l’aide d’une télécommande ou du retardateur.
Avec un peu de préparation, le filtre ND devient un outil très simple à utiliser, que ce soit pour lisser l’eau, effacer les passants ou créer des effets de flou artistique.
Comment recréer un effet de pose longue sans trépied ?
Au musée de l’Accademia de Florence, je souhaitais illustrer le contraste entre le David de Michel-Ange et la foule de visiteurs se pressant pour le photographier. Mon trépied étant resté au vestiaire, je me suis positionné à l’entrée d’une galerie latérale, sans appui possible.
J’ai utilisé un Canon 17 mm f/4 TS-E monté sur un Nikon Z8 via adaptateur. Le décentrement vers le haut a permis de conserver la verticalité des colonnes. Grâce à l’IBIS très efficace du Z8, j’ai réalisé une cinquantaine de photos entre 1/8 s et 1 s à main levée.
Dans Lightroom, j’ai sélectionné les 7 images réalisées à une seconde de pose qui présentaient les meilleurs effets de mouvement, puis je les ai ouvertes comme calques dans Photoshop. Après un alignement automatique des calques, j’ai converti l’ensemble en objet dynamique avant d’appliquer le mode d’empilement Moyenne arithmétique (Calques > Mode d’empilement > Moyenne).
De retour dans Lightroom, j’ai converti l’image en noir et blanc afin d’éliminer les distractions provoquées par les taches de couleur et de renforcer la lecture visuelle. L’effet de foule fusionnée crée une sensation de grouillement diffus, où seuls David et un visiteur en contemplation mutuelle restent nets.
Standing still – David de Michel-Ange, musée de l’Accademia à Florence – Photo : © Sebastien Desnoulez
Exemples de pose longue
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À propos de l’auteur
Sebastien Desnoulez est photographe professionnel spécialisé en photographie d’architecture, de paysage et de voyage. Formé à la photographie dès les années 1980, il a couvert des compétitions de Formule 1 et des reportages à travers le monde, avant de se consacrer à une photographie d’art exigeante, mêlant composition, lumière et émotion. Il partage aussi son expérience technique à travers des articles pratiques destinés aux photographes passionnés, notamment autour des optiques Nikon Z et des workflows hybrides.
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