Plongeoir de Saint-Quay-Portrieux, photographie en pose longue, miroir et univers parallèles
Une minute de pose, à midi, suffit parfois à transformer une scène banale en image étrange et calme. À Saint-Quay-Portrieux, le plongeoir d’une piscine d’eau de mer devient un signe graphique, découpé dans l’air, prolongé par un reflet plus sombre. La mer bouillonne au contact des rochers, mais dans le bassin, l’eau se lisse, comme si le temps changeait de rythme.
Sommaire
- Une piscine d’eau de mer à Saint-Quay-Portrieux
- Une pose longue à midi, oui c’est possible
- Trois contrastes qui structurent l’image
- Deux univers parallèles, frontière de béton
- Réglages, méthode, et points d’attention
- Pourquoi le noir et blanc s’impose ici
- Montrer l’invisible d’une structure ordinaire
- FAQ pose longue et photographie de mer
Une piscine d’eau de mer à Saint-Quay-Portrieux
Saint-Quay-Portrieux, sur la côte des Côtes-d’Armor, possède cette présence typiquement maritime où les infrastructures semblent dialoguer avec l’océan. Une piscine d’eau de mer n’est pas seulement un bassin, c’est un seuil. Elle appartient à la mer par son eau, mais elle appartient à la ville par son béton, ses angles, ses garde-corps, ses usages.
Le plongeoir, lui, est une structure utilitaire. On le voit, on l’oublie. Dans une journée ordinaire, il ne raconte rien de plus que sa fonction. C’est précisément ce genre de sujet qui m’intéresse dans la série Ghosts : des éléments du réel trop familiers pour être regardés, qui deviennent soudain intrigants quand on change la relation au temps, à la matière, à la lumière.
Une pose longue à midi, oui c’est possible
La photographie a été réalisée le 07/05/2018 à 12h. Midi, ce moment que l’on écarte souvent par réflexe, parce que la lumière paraît dure, et parce que les ombres semblent écraser les volumes. Pourtant, midi offre aussi une chose précieuse, une lisibilité. Les formes sont franches, les bords sont nets, la scène est “à plat”, presque graphique.
Une pose longue à cette heure-là a quelque chose de paradoxal. On associe spontanément la longue exposition aux lumières faibles, à l’aube, au crépuscule, à la nuit. Mais à midi, la pose longue ne sert pas à “attraper” la lumière, elle sert à changer la nature du mouvement. Ici, elle transforme les frémissements de la surface du bassin en un miroir, et elle laisse la mer, elle, exprimer sa turbulence au contact des rochers.
Le soleil n’est pas en contre-jour total. Il est placé aux trois quarts droite, ce qui éclaire légèrement le côté du plongeoir. Ce détail compte, car il suffit d’un filet de lumière latérale pour renforcer le relief, la matière, et surtout la découpe du sujet sur le fond.
Trois contrastes qui structurent l’image
Cette photographie tient par des oppositions simples, presque physiques. Pas besoin d’en rajouter, le sujet porte déjà sa propre dramaturgie silencieuse.
- Mer bouillonnante vs eau calme : en haut de l’image, l’eau de mer semble bouillonner au contact des rochers. Au premier plan, dans le bassin, la pose longue lisse la surface et la transforme en miroir.
- Plongeoir net vs reflet plus sombre et légèrement flou : le plongeoir, minéral, contrasté, se détache dans l’air. Son reflet, lui, est plus dense, plus sombre, et un peu “fuzzy”, comme si l’image passait dans un autre état.
- Béton figé vs eau en transformation : la bordure, le tour du bassin, le plongeoir, tout est fixe. L’eau bouge, mais la pose longue la convertit en matière, lisse ou vaporeuse selon la zone.
Ces contrastes font travailler l’œil. On lit l’image comme une bascule entre deux régimes. Le haut est vivant, agité, lumineux. Le bas est calme, plus sombre, presque méditatif.
Deux univers parallèles, frontière de béton
Le bord du bassin en béton joue un rôle central. Il ne sert pas seulement de ligne de composition, il devient une frontière narrative. Il délimite deux univers parallèles, presque symétriques, sans être parfaitement identiques. C’est précisément cette symétrie imparfaite qui crée la tension.
Au-dessus, le monde “extérieur”, la mer, les rochers, l’énergie du littoral. En dessous, le monde “intérieur”, une surface calme, un miroir, une profondeur qui semble absorber la lumière. Le plongeoir est le lien entre ces deux espaces. Il appartient au béton, mais il pointe vers l’eau. Il est à la fois direction, signe, et outil.
Cette lecture en deux niveaux n’est pas une mise en scène. Elle existe déjà sur place. La pose longue et le cadrage ne font que la révéler. Et c’est là que le sujet banal devient intéressant, non pas parce qu’il devient exceptionnel, mais parce qu’il redevient visible.
Réglages, méthode, et points d’attention
Les données EXIF indiquent une exposition de 60 secondes, à f/22 et ISO 50, avec une focale de 165 mm sur un zoom AF-S 80-200 mm f/2.8, boîtier Nikon D800.
| Paramètre | Valeur |
|---|---|
| Date | 07/05/2018, 12h |
| Boîtier | Nikon D800 |
| Objectif | 80-200 mm f/2.8 |
| Focale | 165 mm |
| Vitesse | 60 s |
| Ouverture | f/22 |
| Sensibilité | ISO 50 |
Photographier à 165 mm n’est pas neutre. Cette focale compresse légèrement les plans, simplifie la scène, et renforce l’aspect graphique. Le plongeoir devient une forme. Les éléments superflus sortent plus facilement du cadre. On se rapproche d’une écriture minimaliste, tout en gardant une profondeur réelle dans les matières.
Pour réussir ce type d’image, quelques points sont essentiels :
- Stabilité : trépied solide, déclenchement à distance ou retardateur, vigilance sur le vent. À 60 secondes, la moindre vibration laisse une trace.
- Gestion de la lumière : à midi, atteindre 60 secondes impose de réduire la lumière. Fermer à f/22 et descendre à ISO 50 sont deux leviers. Selon les conditions (ciel voilé, brume, contraste), un filtre à densité neutre peut aussi être utile, mais ce n’est pas une obligation dans tous les cas.
- Lecture des mouvements : la mer et le bassin ne bougent pas de la même manière. La pose longue ne “fige” pas l’eau, elle la synthétise. Elle peut devenir lisse, ou au contraire laiteuse, selon l’énergie du mouvement.
- Placement du soleil : ici, le soleil aux trois quarts droite éclaire un peu le côté du plongeoir. Ce léger modelé évite une silhouette trop plate et renforce la séparation avec le fond.
Un mot sur f/22 : fermer autant augmente la profondeur de champ, mais introduit aussi de la diffraction. Dans ce cas précis, la diffraction n’est pas un problème, parce que l’image cherche une matière, une densité, une simplification des détails, et non une hyper-acuité de micro-contrastes.
Pourquoi le noir et blanc s’impose ici
Le noir et blanc renforce le cœur du sujet : la structure, la matière, la frontière, le reflet. La couleur aurait pu introduire des informations secondaires, la teinte du ciel, la tonalité de la mer, les nuances du béton. Ici, je préfère une écriture plus directe, presque tactile, où la lumière et la forme deviennent le langage principal.
Le noir et blanc permet aussi d’assumer la dualité de l’image. Un haut plus lumineux, plus agité, et un bas plus sombre, plus paisible. Ce n’est pas une opposition décorative, c’est une opposition de rythme. L’image raconte un basculement, comme si le même lieu contenait deux vitesses du monde.
Montrer l’invisible d’une structure ordinaire
Ce plongeoir, beaucoup passent devant sans le voir. Il fait partie du décor, comme une phrase répétée. La photographie a cette capacité unique de rendre du mystère à ce qui n’en a plus. Non pas en inventant, mais en révélant. Une minute de pose ne change pas le lieu, elle change notre perception. Elle met en évidence une chose simple : ce que l’on appelle “banal” est souvent seulement “non regardé”.
Dans la série Ghosts, cette idée revient régulièrement. Des formes quotidiennes deviennent des silhouettes, des signes, des apparitions. Le reflet ici n’est pas un effet, c’est un double. Il est plus sombre, un peu flou, comme si le plongeoir avait une ombre propre, séparée de lui, posée dans l’eau.
Ce type d’image me plaît parce qu’il reste calme, mais il laisse une question en suspens. Que regarde-t-on, une structure, un seuil, un passage, un simple équipement, ou bien une frontière entre deux mondes qui coexistent au même endroit ?
Cette photographie est disponible en série limitée de 12 tirages d’art sur la galerie Une image pour rêver.
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FAQ pose longue et photographie de mer
Peut-on faire une pose longue intéressante à midi ?
Oui. À midi, la pose longue sert moins à “gagner” de la lumière qu’à transformer le mouvement. L’eau devient matière, miroir ou voile, et les formes se simplifient.
Pourquoi choisir 60 secondes de pose ici ?
Une minute est suffisante pour lisser la surface du bassin et obtenir un reflet dense, tout en conservant la dynamique de la mer et la lecture du rivage.
Faut-il absolument un filtre ND pour poser 60 secondes en plein jour ?
Pas toujours. Cela dépend de la lumière réelle (ciel voilé, brume, contraste), et des réglages possibles (ISO bas, petite ouverture). Un filtre ND reste un outil très utile quand la scène est trop lumineuse.
Pourquoi f/22, malgré la diffraction ?
Parce que l’image cherche une écriture graphique et une profondeur de champ confortable, plus qu’une hyper-netteté. Dans ce contexte, la diffraction n’est pas pénalisante.
Comment éviter le flou de bougé sur une pose longue ?
Trépied stable, déclenchement à distance ou retardateur, et vigilance au vent. En bord de mer, il faut aussi protéger le matériel des embruns et surveiller les micro-vibrations.
À propos de l’auteur
Sebastien Desnoulez est photographe professionnel basé à Paris, spécialisé en photographie d’architecture, de paysage et de voyage. Formé à la photographie au milieu des années 1980, il a couvert des compétitions de Formule 1 et réalisé des reportages à travers le monde, avant de se consacrer à une photographie d’art exigeante, mêlant composition, lumière et émotion. Il partage aussi son expérience technique à travers des articles pratiques destinés aux photographes passionnés, en s’appuyant sur une solide culture de l’image acquise en argentique comme en numérique.
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